Autour de Vitry,
Texte de Johanna Pernot
23 mars — 9h30
Café serré autour des oreilles de Mickey
(Le trilobe de Cergy Marne-la-Vallée Evry)
Carte étalée à terre
On essaie de se chauffer contre le printemps qui recule —
Mais la table, il faut la vider
Avant la colère du barman

Complexe quatre étoiles rouges
HUATIAN CHINAGORA
Toits de pagode, tuiles vertes orange
A la confluence de la Seine et la Marne
Vert et marron se rejoignent
de poissons repeuplés
(une quarantaine d’espèces)

La péniche Au fil de l’eau passe

Au fil
des ponts
de Charenton
ouverts sur les eaux usées
barges bleues

Panaches horizontaux
des usines sur la skyline
Station d’épuration
La centrale de chauffage urbain :
Un thermomètre planté
dans le froid du ciel

Alfortville : j’habite une maison de papier
pensée par l’architecte Nunez-Yanowksy —
La rue se contemple depuis
le monocle de la résidence Batman

Vent, gel
A un carrefour de Vitry la rouge : la proue d’un navire soviétique
constructiviste
Bâtiment gris de guerre, lettres bleu paix :
GROUPE.SCOLAIRE.OCTOBRE
La révolution des lycées gronde
Rue Marcelin Berthelot

La Beauté est parfois étrange
Un pont se traverse entre Brooklyn et Tower Bridges
Quai Blanqui un bateau échoué
une maison cubique
Vitry flambe la rouille a mis le feu aux volets

Plus loin : ciel percé de branches
Terre calcaire côté Marne
jaillit verte sous les arches
Journée hantée par
Les Ponts
ponctuent la pâleur paysage —
Pauses
Blocs
Bise

Grandes goulées maritimes

Canards et cadavres charriés
EDF — Air Liquide — centrale fermée. A la lisière
rougeoient les chapiteaux d’une fête

Puis c’est le stop au « Tout va mieux » : prophétique !
Vins et cafés chauds attendent au zinc les sandwichs

A l’embrasure d’un camp, une Rom porte un filet de pommes de terre
C’est juste en face de la gare des Ardoines (métaux rouges échafaudés)
où s’improvise le déjeuner :
Assiette chaude de frites
Serveur aux traits d’ébène
Emballages épars sur les nappes en papier

Depuis ce matin, la bouche de Denis est un jardin, une fontaine
D’où jaillissent les boutons, les fleurs de l’érudition,
Les piqûres gauchistes
Le crachin nous suit sur la colline des poètes
Sente : suivez les palissades
Sur le bitume, voie Rubens : un Dalmatien éventré
Yeux révulsés — Ses tripes jaune polyuréthane
Scindées
Comme le haut et le bas de la ville

Pause au Parc des Lilas
Presque cent hectares de bio
Les assos vivotent Les maraîchers
Chèvres, vaches, lapins, ruchers
Les déchets verts ici, on les ramasse
A cheval – vitraux verts de Vitry
Protégés par des haies
Au cordeau
Mappemonde des Amapiens (70 paniers/semaine)
Les charrues sont manuelles
(Christine la maraîchère fait les planches)
Les salades, les betteraves sont miniatures sous le tunnel

Un cerisier fleurit