Une histoire de voyageurs, A Chanteloup-les-Vignes (78)

Texte de Paul-Hervé Lavessière

Aux franges de la capitale se jouent des parties de chaises musicales. Les caravanes tournent et s’en retournent d’où elles viennent. Elles appartiennent aux voyageurs du Grand Paris. Comme dit le Père De Lastic, curé des gens du voyage dans l’78, “ ils sont pas embêtants avec ça, ils prennent le nom qu’on leur donne. Et entre eux, ils s’appellent simplement les voyageurs”.

Le long d’une rue qui n’a pas encore de nom à deux pas de l’étang de la Galliotte, ancienne carrière de sable en bord de Seine, une dizaine de caravanes sont alignés sur le bas-côté, et puis quelques berlines et véhicules utilitaires, tous immatriculées 22. Devant les marchepieds en aluminium posés à l’entrée des caravanes, on trouve toujours au moins une paire de sabots noirs.

« Zimmermann, ce sont probablement des Yéniches, explique le père De Lastic. c’est une installation très temporaire. Ils sont venus là, visiblement dans l’urgence, et ne vont pas rester longtemps… ça arrive lorsqu’un membre de la famille est hospitalisé. Une partie de la famille accompagne le malade et s’installe à l’extérieur de la ville, près d’une gare. Ils se mettent où ils peuvent, un peu en catastrophe ».
Il toque à la porte, une jeune fille en peignoir rose lui ouvre. Il demande si elle connaît telle ou telle famille qui habite dans les environs mais elle répond par la négative. Ils ne connaissent personne dans le coin, ils sont bien là en transit.

En effet le plus souvent, les caravanes sont installées sur des terrains fermés dont les familles de voyageurs sont propriétaires. Les caravanes bougent d’une saison à l’autre, d’un terrain à un autre, tout en restant dans le même secteur, selon une arithmétique que les gadjés ne peuvent pas comprendre.

A deux pas d’ici vivent un peu plus de cent Roms originaires d’un même village de Roumanie. T’avise pas de confondre les deux car voyageurs et Roms n’auraient en commun que de trop lointains aïeux. Si les premiers sont français depuis la nuit des temps et sont à compter parmis les plus vieux grands parisiens qui soient, (et oui, ils étaient là bien avant les bretons ainsi que les auvergnats), les seconds sont arrivés il y a dix ans tout juste, dès lors que la Roumanie a rejoint l’UE, fuyant les persécutions et voyant dans la France un asile de paix potentiel.

Voyageurs gaullois-Yéniches, pilotes de caravanes proprios de terrains.
Roms en bidonvilles, fraîchement débarqués sur liste d’attente pour un appartement.
Voyageurs catholiques, de plus en plus protestants.
Roms orthodoxes, suivant le même mouvement.
L’église charismatique est dans la plaine de plus en plus présente.
Baptèmes par immersion dans des piscines pour enfant, sans eau courante.

22 vlà les bretons
Et leurs caravanes blanches
À Chanteloup, à Carrière
À Triel ou Pierrelaye
Le Grand Paris existe aussi grâce à ses franges
À ce qu’il ne peut pas gérer
Préempter, controler.